L’embellie économique du Texas

Le samedi 7 avril 2012 par Soleillion

Tandis que les États-Unis sont au milieu du gué, entre croissance et récession, le Texas, lui, affiche, depuis deux ans, une économie en pleine reprise qui se traduit par une vigoureuse croissance des emplois dans tous les secteurs ou presque.

Selon les données présentées par le Texas Tribune et fondées sur les statistiques de la Commission texane du travail (Texas Workforce Commission) de février 2012 , l’économie texane recrée des emplois depuis janvier 2010, après un effondrement du à la récession qui lui a coûté à peu près 400.000 emplois.

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- Le rapport complet est disponible ici (en anglais)

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De 10.639.700 emplois pourvus [1] en août 2008, l’état n’en comptait plus que 10.212.100 en décembre 2009. En revanche, en janvier 2012, le Texas emploie 10.710.000 personnes, soit plus qu’avant la crise.

De taux de croissance annuel de l’emploi [2] autour de 3% en 2008, le Texas était tombé à près de moins 4% au milieu de l’année 2009, pour afficher à nouveau un taux de croissance positif de 2,5% en janvier 2012.

Puisque la croissance de la population active texane, dans le même temps, est tombée à un peu plus de 1% de croissance en janvier 2012 contre près de 3% au début de l’année 2009, la situation de l’emploi s’améliore d’autant.

Au final, avec un taux de chômage ajusté des variations saisonnières à 7,1% en février 2012, le Texas se maintient largement en dessous des 8,3% de la moyenne nationale. Il faut noter que cette situation est récente. Son taux de chômage n’est constamment inférieur à la moyenne nationale que depuis 2007. Auparavant, il se maintenait toujours, depuis 1995 au moins, autour d’un demi point de pourcentage au dessus.

Qui tire la croissance ?

Les mines et le pétrole...

Incontestablement, mais ce n’est pas une nouveauté, le secteur minier, au sein duquel le secteur pétro-gazier joue un rôle prépondérant, est le plus dynamique. Il compte 16,4% de croissance rien que sur l’année 2011. Le gaz, surtout, prend de plus en plus d’importance dans le bouquet énergétique américain grâce à la production croissante de gaz de schistes. Les États-Unis sont, grâce à lui, redevenus exportateurs net de produits pétroliers et le Texas n’y est pas pour rien.

En volume d’emplois, cependant, ce secteur reste un des plus petits : 259.800 personnes y travaillaient en janvier 2012 et la forte croissance de l’année 2011 aura crée 36.600 emplois. Son rôle, néanmoins, est moteur au sein de l’économie texane : autrement dit, sa croissance génère des emplois dans tous les autres secteurs et notamment dans celui des transports, du commerce et des "utilités" (distribution de gaz, eau, électricité, etc.)

Ceci dit, et à titre de comparaison, l’industrie aura crée 24.400 emplois sur la même période avec seulement 3% d’une croissance hésitante [3] Mais l’industrie emploie 847.300 personnes en janvier 2012 et elle est loin d’avoir recouvré son niveau de février 2008 et ses 932.700 travailleurs.

En son sein, la métallurgie et la fabrication de machines sont les plus dynamiques et ont créé à peu près 20.000 emplois à elles seules. En revanche, l’industrie alimentaire ou les secteurs du papier et de l’imprimerie continuent à en perdre.

La construction est dans un état à peu près similaire. Elle stagne autour des 560.000 emplois depuis janvier 2010. Elle n’a eu qu’une croissance de 1,4% et 8.100 emplois supplémentaires en 2011. En octobre 2008, juste avant la crise, elle faisait travailler 677.700 personnes, soit environ 100.000 de plus qu’aujourd’hui.

...mais surtout les services...

Depuis deux ans, donc, la plupart des emplois ont été créés dans le secteur des services : 204.800 sur l’année 2011 contre 69.100 pour la production de biens sur la même période. Après un creux marqué et une perte importante de postes pendant la récession, la plupart des services, les services aux entreprises, le commerce, notamment celui des voitures, le transport, sauf le transport aérien qui perd encore des emplois, même la finance et l’immobilier, ont, soit plus ou moins recouvré leur niveau de 2008, soit ils l’ont dépassé. Cependant, certains secteurs connaissent des évolutions singulières.

Ainsi, le secteur de l’information (presse, édition, internet, etc.) continue de perdre des emplois, mais cette chute était entamée avant la crise. En revanche, l’éducation est en croissance constante et exponentielle. Elle a embauché plus de 30.000 personnes depuis janvier 2008 dont quasiment la moitié sur l’année 2011. De façon identique, mais avec une croissance plus constante, le secteur de la santé et de l’assistance sociale à embauché 123.800 personnes entre janvier 2008 et janvier 2012. Ces deux secteurs n’ont pas connu la crise.

Le secteur de la restauration et de l’hostellerie emploie, lui aussi, beaucoup plus aujourd’hui, avec 966.800 emplois, qu’en janvier 2008 (892.600 emplois). La croissance étant surtout là depuis juillet 2010 : en un an et demi, ce secteur a créé 74.200 postes.

... et des emplois publics à contre-courant

L’évolution la plus singulière étant réservé aux emplois du secteur public. En effet, contrairement à la plupart des autres secteurs, la chute est surtout massive sur l’année 2011. 57.900 emplois ont été perdu en une année.

Les administrations ont surtout créé des emplois pendant la récession. Jusqu’en juin 2008, l’état du Texas embauchait autour de 360.000 personnes. Deux ans plus tard, en juin 2010, il en comptait 18.800 de plus. Les administrations locales texanes ont connu une évolution tout à fait similaire.

L’évolution de l’administration fédérale au Texas est encore plus singulière : entre février et mai 2010, elle a embauché plus de 40.000 personnes … pour reperdre aussitôt le même nombre d’emplois entre mai et septembre de la même année !

Dans le très libéral Texas de Rick Perry, pourtant très critique vis-à-vis des dépenses de l’état fédéral, les emplois publics ont visiblement joué un rôle tampon et contracyclique. Il ont atténué le taux de chômage. Toutes administrations confondues, elles ont employé près de 150.000 personnes supplémentaires entre janvier 2008 et juin 2010, soit au plus fort de la crise. 150.000 emplois quasiment reperdus depuis mais qui auraient considérablement aggravés la crise au Texas s’ils n’avaient pas été créé.

Des métropoles en expansion

Même si elles enregistrent des taux de chômage un peu plus élevés en moyenne, les créations d’emplois se font surtout au cœur des grandes agglomérations et les salaires y sont plus hauts qu’ailleurs. Selon le site LoneStarStrong.com. Austin et Houston seraient, depuis 2003, les deux métropoles les plus dynamiques des États-Unis, en terme d’embauches.

Houston, grâce aux produits pétroliers et à ses raffineries : les statistiques du bureau du travail (voir ici) confirment que depuis 2002, plus de 20.000 emplois ont été créé dans le secteur des mines et du pétrole rien que dans le comté de Harris. Là, 80.000 personnes travaillent dans ce secteur. La crise de 2008 en aura fait perdre autour de 8.000, mais ils ont probablement été récupérés depuis - les statistiques du bureau du travail ont toujours un ou deux trimestres de décalage.

À l’avenir, si l’oléoduc Keystone XL est construit, les sables bitumineux de l’Alberta, qui y seront raffinés et exportés, devraient également tirer la croissance de la grande région d’Houston.

Ces statistiques fédérales confirment également que, contrairement à ce qui se passe partout ailleurs où elle perd régulièrement des emplois depuis 10 ans, l’industrie embauche à Houston - particulièrement dans le comté de Montgomery - mais avec des cycles de croissance et de récessions très marqués.

Pour Austin-Forth Worth, sa croissance est tirée grâce aux entreprises des technologies de l’information et de la communication. Les "Silicon Hill" (collines du silicon) regroupent près de 600 entreprises. Selon Lone Star Strong, beaucoup sont venues de Californie : 63 auraient fait le voyage de l’Ouest, depuis 2004, soit plus du quart des 224 implantations d’entreprises qu’Austin a connu depuis cette date. Le taux de chômage en janvier 2012, dans la grande région de Austin-Round Rock-San Marcos était à 6,5%.

Il est beaucoup plus difficile de corroborer cette information avec les statistiques du bureau du travail car on en sait pas dans quels secteurs sont répertoriés ces entreprises. Le secteur de l’industrie, dans la région d’Austin, a plutôt tendance à perdre des emplois. En revanche, le secteur des services aux entreprises connait une croissance importante depuis 2003. Une croissance assez peu ralentie par la crise et présente dans toutes les grandes métropoles : Houston, Austin-San Antonio et Dallas, dans le Nord-Est.

En conséquence, le Texas urbain se peuple rapidement. Entre 2000 et 2010, les comtés de Williamson et de Hays, banlieues d’Austin ont enregistré des taux de croissance de plus de 60%. Certain comtés autour d’Houston ou Dallas connaissent des évolutions similaires. En moyenne, la population des zones urbaines texanes à augmenté de 30 à 40% en dix ans.

 Voir la carte de la population américaine proposée par le New York Times.

Une croissance inégale

En dehors du Texas urbain, soit le Texas central qui suit une ligne Dallas-Houston en passant par Austin et San Antonio – à l’exception de Killeen-Temple-Fort Hood qui connait des taux de chômage supérieur à 8% -, les évolutions sont plus contrastées.

Le Nord-Ouest et l’Ouest connaissent des taux de chômage globalement plus faibles que le reste de l’état, soit autour de 6 ou 7% pour les agglomérations de ces régions. Le Nord du Texas exploite son gaz mais aussi son vent. L’industrie éolienne s’y développe et a revigoré l’économie ces régions. Mais à l’inverse des grandes villes centrales, ces régions se vident ou gagnent peu de population.

Les taux de chômage les plus élevés se concentrent dans l’Est. Dans les zones rurales qui bordent la frontière avec la Louisiane. L’« Est profond » affiche des taux de chômage au-dessus des 10% en janvier 2012. C’est aussi le cas de la zone urbaine de Beaumont-Port Arthur, à la pointe sud-est du Texas, sur le Golfe du Mexique. Culturellement et socialement, ces comtés appartiennent au « Sud profond » dont ils sont l’extension la plus occidentale. Ces régions sont en déprises économiques suite, essentiellement, à l’épuisement des gisements pétroliers [4]

Au nord de l’Est profond, la région de Longview se distingue par des taux de chômage plus bas (6,5%) et une certaine croissance économique grâce, entre autre, à l’exploitation de gisements de gaz.

La carte du Texas Tribune indique enfin des taux de chômage urbain très élevés aux pointes sud ou ouest (El Paso) du Texas. De fait, tout le long de la frontière avec le Mexique, à l’exception de quelques comtés dans l’Ouest, les taux de pauvreté [5] sont supérieur à 30%, ou entre 25 et 30%. Il s’agit d’une des poches de pauvreté, plus structurelle que conjoncturelle, que connaissent les États-Unis. Là comme ailleurs, les minorités ethniques – dans lesdits comtés, les hispaniques dépassent généralement les 70% de la population – et les jeunes – la moyenne d’âge y est autour de 30 ans – sont majoritaires.

 Voir ici la carte interactive de la pauvreté aux États-Unis fournit pas le Bureau du recensement. [6]

Quel train politique tirera la locomotive texane ?

Malgré tout, l’économie de l’étoile solitaire est en croissance et cette embellie texane est très importante à l’échelle nationale. Le Texas est la seconde économie du pays, après la Californie. Avec une population active de plus de 12 millions de personnes, il représente à peu près 8% de la population active américaine [7]. Premier état exportateur, le Texas représente, à lui seul, entre la quinzième et la treizième économie mondiale. C’est donc l’un des gros moteurs - malheureusement assez polluant - de l’économie américaine.

Pour en tirer une conclusion politique inévitable, si Barack Obama est réélu pour un second mandat de président, il le devra peut-être au Texas, à son économie florissante et son chômage déclinant. D’ici là, c’est de bonne guerre, chaque camps s’attribue le succès.

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Auteur :

Renart Saint Vorles est un coureur des bois numériques nord-américains.

Notes :

[1…en données ajustées des variations saisonnières. En données non ajustées des variations saisonnières les chiffres sont inférieurs. En janvier 2012, par exemple, le Texas n’affiche plus que 10.587.700 avec cette technique de calcul. C’est ce qui explique probablement aussi les différences avec les chiffres donnés – toujours avec au moins un ou deux trimestres de décalage – par les statistiques du Bureau du travail au niveau fédéral sur le Texas (voir ici). Ceci dit, cela ne change rien au fait que l’économie texane recrée des emplois.

[2Les statistiques américaines comparent les créations d’emplois, mois par mois, d’une année sur l’autre et les traduisent en taux. Exemple, les 2,5% de croissance du mois de janvier 2012 sont une comparaison entre les créations d’emplois du mois de janvier 2011 et du mois de janvier 2012, autrement dit, en janvier 2012, l’économie texane a créé 2,5% d’emplois en plus qu’elle ne l’avait fait en janvier 2011. En outre, ces taux sont non ajustés des variations saisonnières

[3 : entre décembre 2011 et janvier 2012, elle a, à nouveau, perdu autour de 4.000 emplois en un mois.

[4Pour prendre quelques exemples, les comtés de Jefferson et d’Orange où se situent Beaumont et Port-Arthur ainsi que celui d’Angelina, plus au nord, ont connu une forte croissance des emplois dans le secteur des mines et des ressources naturelles entre 2004 et 2009...puis une chute rapide. Le comté de Jefferson a connut une évolution similaire dans secteur de l’industrie, tandis que celui d’Angelina enregistre une perte d’emploi de plus en plus rapide dans ce secteur

[5La part de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté

[6Il faut afficher « par comté » en haut à droite pour visualiser les hauts taux de pauvreté du Texas.

[7près de 155 millions de personnes en février 2012


Blogueville

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