Quand Georges W. avait du vent dans la tête...
... et semait des éoliennes au Texas

Le mardi 23 novembre 2010 par Soleillion

Le prédécesseur de Barack Obama est connu pour tout un tas de choses et surtout l’engagement des États-unis dans la seconde guerre d’Irak. Une guerre déclenchée sur de faux motifs, les armes de destructions massives, mais pour un vrai problème : la sûreté à long terme des approvisionnements pétroliers des États-unis d’Amérique. Le pétrole colle à la peau de Georges W. Bush depuis longtemps comme il colle à l’image du Texas, son état.

Paradoxalement, cependant, le président, décrié aussi parce qu’il n’a jamais fait le moindre effort apparent en faveur du protocole de Kyoto, restera peut-être dans l’histoire comme l’un des gouverneurs les plus écolos [1] que le Texas est jamais compté ; car il a fait de son état le champion toute catégorie de l’énergie renouvelable la plus connue : le vent.

Retiré de la vie politique, il était néanmoins invité en juin dernier à la conférence de l’Association américaine de l’énergie éolienne à Dallas. Une occasion pour le Texas Tribune de le rencontrer et pour nous de revenir sur cette histoire du vent au pays de l’étoile solitaire.

Premières brises

En 1999, Georges W. Bush est gouverneur et le Texas est encore cet état pétrolier et gazier que l’on connaît. Il ne faut pas se leurrer, il l’est toujours et ce n’est pas demain la veille qu’on arrêtera d’y raffiner du pétrole ou de construire des centrales à charbon. Les Texans aiment l’énergie, surtout celles qui ont fait leur fortune.

Au tournant du millénaire, donc, le Texas ne produisait pas plus de 200 mégawatts d’énergie éolienne. Mais les inquiétudes écologiques étaient déjà là et avec elles le besoin de trouver des énergies nouvelles. Autre argument plus porteur, les Texans savent aussi depuis longtemps que les États-unis ont leur pic pétrolier loin derrière eux et que la production de pétrole diminue d’année en année, inexorablement. Quand Georges W. Bush signe, cette année là, la loi texane qui va dérégulariser la production d’électricité dans l’état - depuis cette date, les Texans peuvent choisir leur producteur d’électricité -, il impose, en même temps, l’objectif de 2 000 mégawatts d’énergie éolienne, à atteindre dix ans plus tard. En 2010, le Texas produit plus de 10 000 mégawatts grâce à ses turbines à vent. Il possède les plus grandes fermes éoliennes du monde et il devance de loin tous les autres états américains. Il a aussi su prendre 15 ans d’avance sur son propre programme : la loi demandait les 10 000 mégawatts pour 2025. Aujourd’hui, si le Texas était indépendant, il serait au 6è rang mondial.

Les raisons de ce succès sont simples. Tout d’abord... il y a du vent au Texas ! Il souffle surtout dans l’Ouest et le Nord-Ouest et sur la côte du golfe du Mexique. Dès les années 70, l’Université d’état du Texas occidental (West Texas State University) entreprend des études pour connaître les potentialités éoliennes de l’état et participe, en 1977, à la création de l’Institut des énergies alternatives [2]. Donc, 20 ans plus tard, Georges W. Bush pouvait dire à son collaborateur sur les questions énergétiques : "Nous aimons le vent. Soyons audacieux avec lui" Et c’est ce qu’ils ont fait. Plus loin, il dira "il y a une grande différence entre ceux qui parlent et ceux qui font, icitte, dans l’état du Texas, nous faisons" (Texas Tribune).

Si la présence du vent à faciliter la création de gigantesques fermes éoliennes, ce n’est pas le seul facteur. Les terres où ces fermes sont implantées, l’Ouest et le Nord-Ouest, ne sont pas très habitées, ce qui limite les risques de plaintes due à la pollution sonore et visuelle (effet stroboscopique) des éoliennes industrielles ; la taille des propriétés terriennes permet des projets des grandes ampleurs qui poussent les industriels à investir - les deux tiers des installations sont détenus par des entreprises d’outre-Atlantique, notamment espagnoles, danoises ou allemandes ; l’état a une politique assez permissive concernant les permis et enfin l’on ne peut pas reprocher aux Texans d’avoir le sens des affaires et de ... sentir le vent tourner.

Dans un article du New York Times, en 2008, Boone Pickens, ancien pétrolier reconverti dans l’éolien et sur le point d’installer la plus grande ferme éolienne du monde déclarait, dans une veine assez similaire à Georges W. Bush : "j’ai le même sentiment avec le vent que celui que j’ai eu quand j’ai découvert mon plus beau gisement de pétrole", mais " j’aime le vent parce qu’il est renouvelable et propre, et aussi parce que vous savez que vous n’avez pas à faire une production à courbe déclinante ; la courbe déclinante, c’est ce qui m’a finalement fatigué du pétrole".

L’indépendance électrique

Un dernier facteur de réussite tient à la singularité du Texas dans la gestion de ses lignes à hautes tensions, en particulier, et de son approvisionnement électrique, en général : il est complètement indépendant du reste des États-unis. Si l’on ne tient compte ni d’Hawaï, ni de l’Alaska, il n’existe au pays d’Obama que trois réseaux électriques : l’interconnexion de l’Ouest, celle de l’Est et celle du Texas qui couvre environ 80% de son territoire.

Cette situation remonte à la seconde guerre mondiale. Gros consommateur d’électricité, l’état de l’étoile solitaire à construit son réseau de façon à ne pas dépendre des autres états. Détenteur d’énormes ressources en charbon, en gaz ou en pétrole, cela lui était d’autant plus facile. Mais cette indépendance va plus loin car le Texas, pour ne pas tomber sous la législation de l’organisme fédéral de gestion des lignes et des approvisionnement électriques, ne vend pas son électricité hors de ses frontières. Les Texans, les plus gros consommateurs des États-unis, produisent et consomment toute leur électricité.

Le développement de l’industrie éolienne a bénéficié de cette organisation. Les champs éoliens ont été très rapidement connecté au réseau. Aujourd’hui encore, le Texas investi de façon massive dans des lignes destinées à relier les fermes éoliennes du Nord-Ouest aux villes de l’Est. D’une part, à cause du développement rapide des installations éoliennes qui dépassent les capacités des lignes dans ses régions, mais surtout, le Nord-Ouest fait partie des deux ou trois régions de l’état qui ne dépendent pas de son réseau propre, mais de l’un des deux autres, et les Texans craignent que l’électricité produite par les éoliennes texanes alimentent les foyers californiens [3] Comme on l’aura compris, les Texans sont assez sensibles à la question de leur indépendance énergétique, renouvelable ou non.

Souffler n’est pas jouer

Pourtant, il faut relativiser ce succès. Dix ans de développement spectaculaire de l’énergie éolienne n’ont pas encore démontré l’efficacité de cette technique. L’énergie éolienne a un gros défaut : quand il n’y a pas de vent, il n’y a pas d’électricité. Avoir la plus grosse ferme éolienne du monde ne sert donc à rien.

Comme le rappelle Slate.com, le 4 août dernier, le Texas a enregistré un pic record de consommation électrique avec 63 594 mégawatts demandés. Les éoliennes texanes n’en ont fourni que... 500 ! Quand il fait chaud dans les grandes plaines texanes, le vent ne souffle pas.

L’énergie éolienne est donc la fleur la plus jolie - et la plus regardée - du bouquet énergétique texan. Si elle crée des emplois (15 000 selon la section texane du Sierra Club), elle ne génère pas suffisamment d’énergie pour remplacer de manière sérieuse les énergies fossiles. Le Conseil de la fiabilité électrique du Texas (Electric Reliability Council of Texas), connu sous l’acronyme ERCOT, qui gère l’ensemble du réseau électrique de l’état, estime lui même, que les éoliennes ne produisent une énergie sûre qu’à 8,5%, de leur capacité, selon Robert Bryce de l’ Énergie Tribune. Autrement dit, l’Ercot estime que les 10 000 mégawatts installés ne produisent, en moyenne, qu’un peu plus de 800 mégawatts [4]. C’est peu et cela démontre qu’il y a souvent loin de la coupe aux lèvres en matière d’énergie renouvelable !

Le Texas restera encore longtemps très dépendant des énergies fossiles, du gaz naturel essentiellement et du charbon. Du nucléaire, aussi, de manière non négligeable et bien évidemment du pétrole. Il le sait d’ailleurs puisque les projets d’oléoducs destinés l’approvisionner en pétrole d’Alberta sont en bonne voie. On ne change pas une équipe qui gagne !

Les éoliennes serviront, malheureusement, essentiellement pour la décoration des plaines, la communication verte de l’état, l’emploi de quelques travailleurs [5], un peu de bonne conscience, un peu d’électricité et... l’enrichissement des propriétaires terriens. Le Texas a ses traditions [6].

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Le 11 octobre 2010 par Soleillion

Auteur :

Renart Saint Vorles est un coureur des bois numériques nord-américains.

Notes :

[1Le bâtiment de la bibliothèque présidentielle de George W. Bush, actuellement en projet, devrait bénéficier de la certification LEED platinium, la plus haute certification environnementale pour les bâtiments nord-américains.

[2Le sitoile de l’institut recense aujourd’hui tous les projets publics et privés de fermes éoliennes et géolocalise ces implantations pour le Texas, mais également pour l’Oklahoma et le Nouveau Mexique

[3Le Nord-Ouest du Texas est relié à l’interconnexion de l’Ouest des États-unis et donc à la Californie, mais des projets d’interconnexion entre les trois grands réseaux usaniens sont à l’étude. Ce qui n’enchante guère les Texans

[4C’est une estimation moyenne, ce qui ne veut pas dire qu’elles ne soient pas capables d’en produire plus... ou moins. Généralement les estimations de fiabilité des installations éoliennes varient entre 5 et 30%.

[5Comme beaucoup d’installation énergétique, les éoliennes emploient beaucoup de monde pendant le temps assez court de la mise en place, mais plus que quelques techniciens une fois installées pour en assurer la maintenance. Néanmoins, la présence des éoliennes, et les emplois directs et indirects (hostellerie, restauration, etc.), a permis de redonner vie à l’économie locale dans les petites villes en déclin du nord du Texas, ce qui n’est déjà pas si mal.

[6Il faut revoir le film Géants avec James Dean qui traitait déjà de la transition entre le Texas des fermiers, éleveurs de grands troupeaux de bétail, et le Texas des pétroliers ; la suite, tournée aujourd’hui, serait celle des troupeaux au milieu des éoliennes


Blogueville

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