![]() L’industrie américaine : reprise véritable ou simple répit ?
Les enseignements de la longue durée
Le mercredi 25 avril 2012 par Soleillion A l’heur où l’on reparle de la réindustrialisation probable - mais partielle - des États-Unis, notamment grâce au rapport du Boston Consulting Group que nous avions analysé ici et qui répand cette idée dans la presse (ici, ou là) ; que certains milieux d’affaires usaniens lancent des initiatives pour la relocalisation de la production ; les statistiques du Bureau du travail permettent de se rendre compte dans le détail de l’évolution de l’emploi à moyen terme (10 ans) dans les différentes branches du secteur industriel américain et donc de faire un bilan. Tous les graphiques suivant donnent le nombre d’emplois en milliers, sur la période allant de janvier 2002 à avril 2012 et respectent l’ordre de classement des statistiques usaniennes. Les chiffres sont corrigés des variations saisonnières. Industries, toutes branches confondues. ![]() Le premier constat à faire est la chute importante d’effectif que les manufactures ont connu dans la décennie écoulée. Entre 2000 et 2010, l’industrie américaine a perdu près de 7 millions d’emplois passant de plus 24,6 à un peu plus de 17,6 millions de personnes employés. À titre de comparaison, les manufactures seules ne perdirent que deux millions d’emplois environ entre 1985 et 2000. Elles en ont perdus 6 millions environ entre 2000 et 2010 (voir ci-dessous). Depuis 2010, la courbe s’inverse. Les manufactures embauchent à nouveau et 500.000 emplois ont été créé en un peu plus de deux ans. Les biens durables ![]() La production de biens durables emploient à peu près les deux tiers (7 millions) des travailleurs des manufactures. Il a évidemment connut une évolution comparable à l’ensemble du secteur. Une perte de 3 millions d’emplois sur la décennie et à peu près 500.000 emplois recréés depuis 2010. C’est la production de biens durables qui tire la croissance des industries américaines depuis deux ans. Au sein de ce sous-secteur, les évolutions sont néanmoins contrastées.
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![]() En complément, voici la courbe du sous-secteur des moteurs et pièces détachées qui a recouvré l’essentiel des emplois du secteur. ![]()
![]() Les biens non durables, globalement, n’échappent pas à la règle de la désindustrialisation usanienne. En 10 ans, toute cette branche de l’industrie aura perdu plus d’1,5 millions d’emplois. Cependant, après une chute régulière entre 2002 et 2008 qui s’est achevée par la brusque perte de 500.000 emplois en un an en 2008-2009, le secteur semble stabilisé. Il emploie un peu moins de 4,5 millions de personnes depuis 2010. ![]() La majorité des branches qui le composent suivent donc une évolution à peu près similaire : perte régulière d’emplois depuis 2000 et au mieux une certaine stabilisation ou ralentissement de la chute depuis 2010. Certaines branches connaissent cependant des évolutions plus contrastées.
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Les filatures : ![]() Les produits textiles non finis : ![]() La confection : ![]()
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Industries papetières et dérivés ![]() Imprimeries et industries associées qui comprend notamment l’impression de livres et de journaux et qui subit le contre-coup de la déprime du secteur de l’information notamment. ![]()
![]() En revanche, les produits chimiques connaissent une évolution similaire à l’ensemble de l’industrie et enregistre, en 2011, une phase de légère croissance des emplois (20.000) inouïe depuis le début des années 2000. ![]() Les produits en plastique et en caoutchouc suivent une courbe similaire. Ces deux derniers secteurs bénéficient de la reprise du secteur de l’automobile, des machines-outils, etc. ![]() L’industrie américaine : reprise véritable ou simple répit ? En conclusion, il faut se poser la question de la réalité de cette reprise et si possible de ses conditions de maintien. Or, de ce point de vue, rien n’est sûr. En prenant un peu plus de recul temporel, on se rend compte, comme nous l’avions déjà noté ici, que, malgré la reprise, les effectifs totaux d’employés dans l’industrie américaine sont à des niveaux proches du début des années 50 avec 17-18 millions d’employés. À l’époque, elle représentait un travailleurs sur trois, la population active (civilian labor force) étant de 60 millions de personnes ; elle est aujourd’hui de 154 millions de personnes. En 1979, l’industrie atteint son pic : elle emploie 25 millions de personnes. Un chiffre qui ne sera jamais atteint depuis, mais, durant les années 80-90, elle emploie, en moyenne et avec des fluctuations parfois importantes, autour 23 millions de personnes. Labour Market : Employment Situation, US from Timetric Depuis l’an 2000, la chute d’effectif est donc spectaculaire et il possible que la reprise actuelle ne soit qu’un moment de répit, comme en 2004-2006, mais qu’elle ne l’entrave pas. Il faudrait, pour que l’industrie américaine retrouve ses niveaux d’emplois des années 80, une croissance similaire à celle des années 60 ! Une époque dorée car le taux d’équipement des ménages n’était pas ce qu’il est devenu et, parce qu’alors, les Américains achetaient... américain. Est-ce possible ? Peut-être, mais les conditions de réindustrialisation avancée par le Boston Consulting Group ou l’économie de l’offre avancée par Natixis n’y suffiront probablement pas. La stagnation des salaires américains (tandis que ceux des Chinois augmentent) et l’augmentation de la productivité, la montée du coût du transport maritime, la baisse du prix de l’énergie (boom gazier) associé à la baisse du prix des terrains industriels (dans le sud des États-Unis notamment) sont autant de conditions de réindustrialisation qui ne fonctionneront que si les Américains recommencent à acheter les produits qu’ils fabriquent... parce qu’il y a peu de chance que d’autres le fassent à leur place. Trade : Balance of Trade, US from Timetric La balance commerciale américaine se dégrade régulièrement depuis 20 ans et le répit accordé par la crise - en 2009, les Américains, comme les autres, ont ralenti leurs achats - ne fut que de courte durée. Le déficit commercial a, de nouveau, presque atteint son plus bas niveau de 2008. Ce sont surtout les importations de biens qui tirent la balance vers le bas lorsque l’économie repart et qui génère ce paradoxe : plus l’économie mondiale repart, plus les États-Unis exportent (surtout des biens) et plus leur déficit commercial... se creuse. Dans le même temps, en effet, les importations repartent, elles aussi, à la hausse et notamment les importations de pétrole. La relocalisation de l’industrie usanienne est donc peut-être en marche, mais rien n’est encore joué. Source de l’illustration : L’industrie automobile de la Caroline du Sud ::::::::: A lire aussi :::::::::
Auteur :
Renart Saint Vorles est un coureur des bois numériques nord-américains.
Notes :
[1] Voir la définition et plus d’information ici (en anglais) [2] Voir la définition et plus d’information ici (en anglais) [3] Voir la définition et plus d’information ici (en anglais) [4] Voir la définition et plus d’information ici (en anglais) [5] Voir la définition et plus d’information ici (en anglais) [6] Voir la définition et plus d’information ici (en anglais) [7] Voir la définition et plus d’information ici (en anglais) [8] Voir la définition et plus d’information ici (en anglais) [9] Voir la définition et plus d’information ici (en anglais) Blogueville
Le billet de "Yann", détaillé et documenté, sur le plan de relance de Barack Obama. Impressions de Pierre-Yves Dugua, journaliste économiste bon teint au Figaro, sur l’économie américaine... Quand les vessies françaises tentent de ressembler aux lanternes américaines. Wall-Mart, la chaine géante de magasin arrive-t-elle au bout de sa logique ? La capitale fédérale était noire, mais avec les chiffres du dernier recensement, elle perd cette particularité. "quand les types de cent trente kilos disent certaines choses, les types de soixante kilos les écoutent". En économie, c’est aussi vrai qu’ailleurs, surtout dans les salles de marché... |