Le chômage aux États-unis

Le mercredi 24 novembre 2010 par Soleillion

Le chômage aux États-unis a véritablement explosé depuis 2008. Le blog qui bug vient de mettre en ligne un graphisme de Timetric, un site britannique - en anglais donc - de statistiques, très bien fait par ailleurs, qui montre les courbes des sans-emplois depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Les données sont en valeurs, non en pourcentages de la population, et mensuelles. 2009 est en cela une année record puisque le premier octobre, le chômage frôle la barre des 16 millions de sans-emplois, 15 millions 612 mille pour être précis. Il y a 50 ans, même mois, les États-unis enregistraient également un premier pic, mais à 5 millions de chômeurs "seulement" (4 millions 916 mille).

En taux, le chômage en octobre 2009, a atteint les 10,1 % de la population active. Un chiffre qui n’a pas été atteint depuis plus de 20 ans et avec lequel les États-unis réussissent à passer au dessus de la France [1] [2] Cependant, en taux toujours, les chômeurs plus ceux qui subissent un temps partiel imposé, soit une sorte de semi-chômage, constituent, aujourd’hui, autour de 15% de la population active.

Mais si les taux décroissent avec le temps et que s’en revient la saison des communiqués de presse triomphants, ce graphisme montre l’évolution cyclique des chômeurs aux États-unis. Pour faire court, un pic de chômage se dessine, grosso modo, tous les dix ans. On peut donc parier sur le fait que le chômage va décroître, en valeur, et plus rapidement encore en taux, sur les deux ou trois ou quatre prochaines années... pour ensuite repartir à la hausse de plus belle, car il y a des effets de seuil. Il encore trop tôt pour le dire mais il est très probable que la crise de 2008, vu son ampleur, en ait fait franchir un nouveau : car le chômage, à moyen-long terme, ne redescend pas, jamais.

Malgré les cycles courts, il augmente sans cesse depuis 60 ans. Or, la crise de 2008-2009 risque fort d’être l’un de ces paliers qui fera désormais tourner le nombre de chômeurs au dessus des 10-12 millions, contre 7-8 millions, depuis 1973 et 3 à 4 millions entre la fin de la guerre et le début des années 70. Comme la population générale augmente, la part de chômeurs dans la population active restera inférieure, probablement, aux 10-11%. Cependant, en nombre, les chômeurs représentent une foule de moins en moins négligeable.

Il y a mieux. La crise de 2008, a fait aussi exploser, avec du retard mais de façon bien plus massive, le nombre de chômeurs de longue durée. Avec des variations cycliques similaires aux variations du chômage général, celui-ci évoluait depuis 30 ans, entre 1 et 2 millions de chômeurs, avec des pics de dépassements, dans un sens ou dans l’autre et plutôt vers le bas, d’environ 500 mille personnes. Le dernier gros pic fut celui de 1983, les chômeurs de longue durée avaient frôlé les trois millions de personnes. Début 2008, les chômeurs de longue durée sont encore un million cinq cent mille environ ; en mai 2010, ils sont... 6 millions 763 mille ! En deux ans, les chômeurs de longue durée ont été multiplié par 4 !

Voir la courbe ici.

Non seulement, donc, la masse des chômeurs augmente aux États-unis, mais surtout, ces chômeurs ont de moins en moins de chance de retrouver rapidement un emploi. La mauvaise nouvelle, c’est qu’au regard des évolutions passées, cette situation risque d’être pérenne. Toutes choses égales par ailleurs, les États-unis en ont pris pour 20 ans. D’autant que, à ces chômeurs de courte ou longue durée, il faut ajouter les chômeurs partiels : emplois précaires, emplois à temps partiel subis, petits boulots multiples pour faire face, etc. Ce bien connu "halo" du chômage, difficilement visible, ayant du, lui aussi, fortement augmenter.

Pour finir, il est intéressant de se pencher sur les causes et d’aller voir un peu du côté des emplois. Où ont-ils disparu ? Sur cette page, les données sont très claires : 6 à 7 millions d’emplois ont été détruit dans l’industrie manufacturière depuis 10 ans. Un autre million a disparu dans les industries de l’information et des télécommunications [3] Reconstruire tout cela va prendre du temps, alors que les délocalisations se poursuivent. Pendant ce temps là, la balance commerciale des États-unis se creuse, mais les profits des institutions financières augmentent, eux aussi, toujours, inexorablement.


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Durée du chômage et nombre de chômeurs par type aux États-Unis (en milliers de personnes)

Labour Market : Employment Situation, US from Timetric

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Source de l’illustration : The Swordpress. Cette image du chômage aux États-unis a été réalisée en intégrant les statistiques du chômage dans Google Earth. Elle date de décembre 2008.

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Auteur :

Renart Saint Vorles est un coureur des bois numériques nord-américains.

Notes :

[1voir le troisième graphisme sur cette page. Le taux de chômage le plus élevé de ces 60 dernières années eu lieu en 1982-1983 avec un taux autour des 11% Dans le même ordre d’idées, Tableau, un concepteur de logiciels de visualisation statistique, propose sur son blogue un graphisme interactif sur le taux de chômage aux États-unis depuis 60 ans.

[2Le taux de chômage à plus de 10% et sa progression à travers tout les États-unis est "visible" sur la carte chronographique du blogue Losing Middle Ground (la perte des classe moyenne), géographie d’une récession que nous avions déjà cité dans l’article La crise en cartes

[3La courbe en cloche des National Information Technology Jobs (Information nationale sur les emplois technologiques) est parlante : la situation en 2010 est revenue à son point de 1995.


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