L’EPA met les gaz de schiste sous pression
... et inversement !

Le dimanche 13 février 2011 par Soleillion

Dans le comté de Garfield, dans les montagnes du Colorado, on l’attendait avec impatience. Au Québec, aussi, l’attente se fait longue. De fait, les gens l’attendent un peu partout où l’exploitation des gaz de schiste provoque de graves pollutions dans l’eau des puits : on l’attend donc dans toute l’Amérique du nord.

L’Agence pour la protection de l’environnement des États-unis vient de remettre son rapport préparatoire à l’étude, engagée depuis mars 2010, pour évaluer les conséquences potentielles de la fracturation hydraulique sur les ressources en eaux potables [1]. Il ne s’agit pour le moment que d’un rapport préparatoire, l’étude finale ne devrait être remise qu’en 2014.

Comme toutes les études de ce genre, même quand elles avancent, les choses vont lentement. L’année dernière a été consacrée à la constitution du groupe d’étude composée de scientifiques indépendants, ou, du moins n’ayant pas d’intérêts personnels (surtout financiers) de près ou de loin dans l’industrie. Sur 86 candidats, seuls vingt-deux, venus d’une vingtaine d’université usaniennes et une canadienne, l’université de la Saskatchewan [2] ont été retenus. Le groupe d’étude est dirigé par le professeur David A. Dzombak de l’université Carnegie Mellon ; un spécialiste de renommée internationale (il enseigne également en Chine) d’à peu près toutes les formes de pollutions des eaux et des techniques de traitement des eaux usées.

Insister sur la sélection de ces scientifiques peut paraître "technique" et de peu d’intérêt. Cela ne l’est pourtant pas depuis que John Josh, le réalisateur de Gasland, a révélé qu’une enquête de cette nature avait été entamé dès 2004 par l’Agence pour la protection de l’environnement sur des pollutions de l’eau dans l’Alabama... pour être abandonnée immédiatement. Sur les sept experts qui ont annulés l’enquête, cinq d’entre eux étaient en conflits d’intérêts majeurs entre l’objet de l’enquête et leurs intérêts privés : aucun n’étaient membres de l’EPA, tous venaient de l’extérieur et étaient de près ou de loin rattachés à de grandes entreprises pétrolières.

La liste est parlante [3] :

  • Ian Palmer, un ingénieur pétrolier de BP Amoco,
  • Buddy McDaniel, un conseiller technique pour Halliburton Energy Services, Inc.,
  • David Hill, un ingénieur de l’Institut de technologie du gaz,
  • Morris Bell, un ingénieur de la Commission pour la préservation du pétrole et du gaz du Colorado, mais ancien employé de chez BP Amoco, et
  • Jon Olson, professeur assistant à l’Université du Texas, mais ancien employé de chez Mobil Exploration .

Bref, que des hommes du pétrole !

Dans le film Gasland, ces faits sont révélés, ou plutôt exhumés de la littérature grise institutionnelle, par le témoignage de Weston Wilson, un employé de l’EPA qui a eu le courage de se placer sous la protection du Premier amendement pour dénoncer les pratiques et les louvoiements de l’EPA [4] : l’Agence évite de se prononcer sur des pratiques et des pollutions dénoncées par des riverains de puits depuis le milieu des années 90.

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En 2004, la situation politique n’était, de plus, guère favorable à toute réglementation. Georges W. Bush était président et avait comme mentor, le belliqueux Dick Cheney, ex-pdg d’Halliburton (1995-2005), une société para-pétrolière spécialisée dans la fourniture et le développement de techniques de forages profonds et de... fracturation hydraulique.

L’année suivante, Dick Cheney permettait aux pétrolières d’être exemptée de la loi sur l’eau propre au motif que les quantités d’adjuvants chimiques sont très faibles.

Avec l’administration d’Obama, le contexte est probablement plus favorables à une réglementation. Cependant, le rapport final doit être remis en 2014, soit deux ans après les prochaines élections présidentielles. Beaucoup de choses peuvent advenir d’ici là.

La vingtaine de membre du groupe d’étude - contre sept pour celle de 2004 -, la majorité universitaire, favorise une plus grande indépendance et une plus grande diversité de points de vue. David Dzombak n’est pas le seul spécialistes des questions de l’eau, ils sont, toutes spécialités confondues, une petite dizaine. D’autres sont biologistes, écologistes ou professionnels de la santé. Enfin, les "hommes du pétrole" (géologues, spécialistes des hydrocarbures, etc.) ne sont pas absents, ce qui est normal, mais ils sont minoritaires.

La situation est différente également parce qu’un véritable mouvement - dont les échos sont internationaux - fait pression désormais sur le gouvernement. Le film Gasland étant devenu le catalyseur de la colère populaire.

Avant 2014, la prochaine étape doit être la remise d’un rapport intermédiaire en 2012 qui devrait surtout se concentrer sur les adjuvants chimiques présent dans les eaux injectées, les possibilités de fuites des puits et les boues dépurations [5] ; soit tous les impacts potentiels de l’exploitation des gaz de schiste sur les eaux potables.

Il est possible que ce rapport fasse grand bruit à sa sortie. Malgré tout, le temps ne joue pas en faveur des riverains et les conséquences des forages continuent de s’accumuler comme le relaye [6] le Post Independant de Glenwood Spring, comté de Garfield, Colorado, au cœur d’une des zones les plus forées de tous les États-unis [7]

En 2008, ProPublica [8] annonçait plus de 1000 plaintes à travers tout le pays. En décembre 2010, toujours selon ProPublica, l’EPA demandait aux résidents d’une petite ville du Wyoming de ne pas boire l’eau de leur puits et d’utiliser des ventilateurs au moment des douches pour éviter... les d’explosions !

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Auteur :

Renart Saint Vorles est un coureur des bois numériques nord-américains.

Notes :

[6Ce journal local duplique en fait un article de ProPublica

[7Il est assez impressionnant de chercher et d’observer les paysages de ce comté sur Google earth - le troisième sur la frontière ouest en partant de l’angle nord-ouest du Colorado.

[8ProPublica est un journal qui milite pour un journalisme d’investigation d’intérêt public. C’est aussi une fondation.


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