L’Atlas alimentaire des États-unis
L’Amérique dans son assiette... ou non !

Le samedi 15 janvier 2011 par Soleillion

Les habitudes alimentaires et physiques des Américains ont des conséquences graves sur une bonne part de la population. Les taux d’obésité, de sur-poids, de diabète sont parmi les plus élevés au monde. Même l’armée s’inquiète de ne plus pouvoir avoir assez d’hommes capables de combattre ou, du moins, de servir dans ses rangs. Beaucoup d’Américains ont faim, beaucoup mangent mal.

Le mal n’est cependant pas répartis partout de la même façon. Pour reprendre un terme cher aux économistes néolibéraux, le marché de la malnutrition, même aux États-unis, n’est pas "unifié" ! Pour s’en rendre compte, le Service de recherche économique du Département de l’agriculture à mis en ligne un atlas alimentaire des États-unis qui condense et cartographie tout un éventail de données influentes, de près où de loin, sur les habitudes alimentaires usaniennes. Issues de sources différentes et qui n’ont pas été collectées au même moment, l’atlas dessine le visage alimentaire des États-unis sur les 10 dernières années.

Les données étant disponible à l’échelle locale, souvent celle du comté ou de la paroisse, il vaut mieux le parcourir soi-même pour se faire une idée et les croiser dans tous les sens possible. Néanmoins, à titre d’exemple, il est possible de donner quelques grands traits.

Une Amérique, des Américains.

Tout d’abord, il y a une différentiation raciale toujours marquée. La répartition des populations en fonction de leur couleur de peau montre deux ou trois Amériques : l’Amérique blanche (autrement dit où les Blancs sont majoritaires) se situe au nord, grosso modo, d’une ligne convexe, qui part du nord de la Californie, descend sur le Kansas et remonte ensuite vers la baie de la Chesapeake. Les Asiatiques présents en nombre uniquement sur la côte Ouest peuvent y être associés. L’Amérique de "couleur" se situe au Sud de cette même ligne, les Noirs étant majoritaires dans les états du vieux sud, à l’Est de la Louisiane, tandis que les Hispaniques sont majoritaires dans le Sud-ouest, le long de la frontière mexicaine, du Texas à la Californie, avec de fortes présences dans deux poches extérieures : le sud de la Floride (Miami) et dans l’Oregon, autour de Seattle. Les Amérindiens, eux, ne sont plus présent de façon conséquente qu’à l’Est du Mississippi. Ils sont répartis un peu partout, mais là encore, principalement dans des poches plus ou moins larges, autour des réserves.

Entre ces deux, trois ou quatre Amériques, il y a bien des différences culturelles, mais surtout des différences de niveaux de vie et de développement. Les comtés marqués par les plus hauts taux de pauvreté (en 2008) et où la pauvreté est persistante correspondent majoritairement à l’Amérique de couleur, là où Noirs - le long de la frontière entre Arkansas et Mississippi - et Hispaniques - pointe sud du Texas - sont les plus nombreux et, plus fortement encore, l’Amérique amérindienne. L’exemple frappant se situe dans la bande centrale du Dakota du Sud. Ce qui ne veut pas dire, évidemment, que toute l’Amérique blanche est épargnée (la décomposition des classes moyennes à l’œuvre les touche autant que les autres) : dans l’Est du Kentucky (au milieu des Appalaches) ou dans les comtés francophones du Nord du Maine, la pauvreté frappe aussi durement. Les taux de pauvreté infantile confirment et précisent assez souvent ces données, comme le confirment également les cartes des élèves recevant des repas gratuits ou à tarif réduit dans le cadre de l’alimentation scolaire.

Les répercutions de ces conditions sociales sur l’alimentation sont évidentes. Les cartes des ménages en situation d’insécurité alimentaire montrent plus fortement encore la coupure entre les états du Nord et ceux du Sud. Sur les trois années disponibles (2007, 2008, 2009), la grande majorité des états au dessus de la moyenne nationale sont toujours au nord, ceux en dessous, toujours au sud. Pour les enfants, le 37e parallèle est aussi une fracture d’autant plus nette que la carte tient compte de données agrégées sur sept ans, de 2001 à 2007.

Les deux fléaux alimentaires

L’obésité et le diabète sont deux fléaux usaniens due à de mauvais régimes alimentaires, à base, principalement de produits préparés riches en sucres, en graisse, en sel, en substituants de toute sorte, etc. Mais là encore, la répartition géographique de ces maladies n’est pas égale et les taux élevés sont au sein de l’Amérique pauvre. En 2007, les populations importantes d’obèses se situent au cœur de l’Amérique noire, dans le Missouri, l’Alabama, et un peu moins en Caroline du Sud ; dans les régions pauvres, mais de population blanche, du Kentucky et de la Virginie occidentale ; dans et autour des réserves indiennes du Dakota du Sud ou du Montana. À la même date, les taux de diabète recouvrent sensiblement les mêmes régions, mais avec une prédominance encore plus marquée dans les états noirs du Vieux sud (de la Louisiane à la Virginie) avec la même extension nordique et blanche le long de la chaine des Appalaches. Entre les deux, le long d’une ligne qui coure du nord de la Georgie à l’est de la Caroline du Nord, il est possible de remarquer que les taux d’obésité et de diabète chute fortement. Là, les comtés sont de population majoritairement blanche, désenclavés, et urbains dans le cas de la ville d’Atlanta, au Nord de la Georgie.

Dis moi où tu manges...

Cette ligne de fracture entre états du Nord et états du Sud se retrouve, mais de façon moins nette, dans les habitudes de restauration. Si elle est assez claire pour la restauration rapide, la majorité des états où les dépenses individuelles dans ce type d’établissement sont élevés sont généralement des états du Sud, la fréquentation des restaurants classiques est plus complexe à analyser [1]. Il faut la confronter au revenus médians des ménages. Ce sont donc les états côtiers, les états de l’Ouest, où les dépenses sont les plus importantes. Dans le Missouri, l’Alabama, en Virginie occidentale ou dans le Kentucky, en revanche, les gens dépensent peu dans les restaurants. La Georgie est probablement dans une situation intermédiaire, là encore, à cause de l’agglomération d’Atlanta. Les cartes étant données, sur ce point, pour deux dates, 2002 et 2007, il est possible de se rendre compte des évolutions et des constantes.

La crise

C’est vrai aussi pour les évolutions récentes et conjoncturelles. Par exemple, entre 2007 et 2008, tous les modes de distributions alimentaires, de l’épicerie au supermarché en passant par la station service, soit stagnent soit régressent dans la majorité des cas. En revanche, les aides alimentaires, notamment les Programmes d’assistances nutritionnelles supplémentaires ont augmentés de façon conséquente entre 2007 et 2008 : les taux sont de 5 à 15% dans la majorité des comtés, voire de plus de 15% dans pratiquement tous les états de l’Ouest, de la côte ouest et est. Seul le Colorado et l’Iowa enregistrent des baisses importantes. La crise économique qui a commencé à secouer les États-unis lors de ces deux années a eu des conséquences directes sur les besoins alimentaires usaniens.

D’autres données sont offertes par l’Atlas alimentaire des États-unis, notamment sur les différences entre villes et campagne, ou bien sur les manières de consommer local en achetant à la ferme, sur les marchés fermiers, ou les programmes de Fermes pour l’école. Elles donnent les consommations de viande, de fruits et légumes, de lait et les différents prix de ses denrées. Toutes sont expliquées et justifiées ici. Un tour d’horizon assez complet, en somme, et une profonde plongée au cœur de la société usanienne d’aujourd’hui par un des biais les plus révélateurs de ce que sont les Américains et de leur grande diversité : leur alimentation.

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Le samedi 13 octobre 2012 à 11h31
Sweety a clavit
L’Atlas alimentaire des États-unis

Cool ! Ce site est très complet et bien expliqué !

Source de l’illustration : Atlas alimentaire des États-unis

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Auteur :

Renart Saint Vorles est un coureur des bois numériques nord-américains.

Notes :

[1la différence entre les restaurants classiques et la restauration rapide, les fast-food, tient essentiellement au moment du paiement : dans les fast-food, le client paye avant de manger et peut emporter sa commande, et inversement dans les restaurants.


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