Les emplois aux Etats-Unis : une crise structurelle

Le mercredi 12 octobre 2011 par Soleillion

L’évolution des emplois, secteurs par secteurs aux États-Unis depuis 70 ans, est riche d’instruction. La crise actuelle apparait bien plus comme une crise structurelle que conjoncturelle. La structure des emplois s’inverse depuis trente ans de façon relativement anormale. Des courbes qui ont connu des évolutions parallèles de 1940 à 1980 [1] - quand, en gros, tout allait bien économiquement parlant - s’entrecroisent depuis cette date - où, sauf exceptions, tout va de moins en moins bien. En clair, l’économie américaine marche littéralement sur la tête et les années 2010 pourraient voir l’aboutissement de ce processus.

Les courbes ci-dessous fournit pas Timetric [2] sont claires. Jusque dans les années 80, la structure des emplois est logique. Il faut se souvenir que l’économie est d’abord et avant tout quelque chose de physique. Pour consommer, il faut d’abord produire des biens et c’est cela qui doit occuper le plus grand nombre. À l’époque donc, le nombre d’employés des industries de production et des manufactures est supérieur, par exemple, à celui de l’éducation et de la santé et à ceux qui rendent des services à la population en général.

Depuis 1980, et bien plus encore dans les années 2000, le processus d’inversion s’accélère. Tous les services ont continué à croître de façon logique et proportionnelle à la population active et à la population en général ( : plus d’actifs nécessite plus de médecins, d’enseignants ou d’employés du gaz). Les emplois des activités de production, en revanche, ne cessent de chuter à tel point qu’ils deviennent minoritaires.

Depuis 2002, les États-Unis comptent moins d’employés dans les manufactures et industries que d’enseignants ou de professionnels de la santé. Depuis 2008, les employés des loisirs, de la restauration et de l’hôtellerie sont plus nombreux que les ouvriers. Pire, depuis la même année, les administrations (gouvernements, localités, etc.) emploient plus de gens que toute l’industrie réunie ! Les administrations, encore une fois, ne sont pas en cause. Leur croissance suit de façon régulière et même sensiblement moins rapide l’évolution de la population active et de la population générale. Le problème, c’est bien l’industrie qui, elle, n’a pas suivie.

Les principaux secteurs d’emplois aux États-Unis (en milliers)

Labour Market : Employment Situation, US from Timetric

Autres secteurs

Dans les discours sur la création d’emplois, on entend souvent parler de secteur comme la construction (BTP), internet et tout ce qui touche de près ou de loin à l’informatique (des secteurs innovants dans les années 2000 qui devaient remplacer l’industrie en terme d’emplois), ou les mines et l’exploitation des ressources naturelles (qui tirent la croissance dans certains états comme le Dakota du Nord). Ramenés à la population active, tous ces secteurs ne représentent finalement presque rien en terme d’emplois et la plupart sont en déclin. Le secteur de la construction emploie aujourd’hui autant de gens qu’en 1995 (voir ici). C’est encore plus vrai pour le secteur de l’information (informatique et internet) dont la baisse est constante depuis l’an 2000 (détail ici de la fameuse bulle internet). Quant aux mines, le regain est réel depuis 10 ans, mais le secteur n’emploie encore que 800 000 personnes en 2010 (courbe ici).

En revanche, les activités financières ont pris une importance croissante depuis les années soixante. En terme d’emplois, elles dépassent maintenant tous les secteurs cités précédemment. Une situation aberrante par rapport à son utilité réelle mais cependant logique. La financiarisation de l’économie, donc les embauches dans ce secteur, a été une nécessité. Elle a permit aux ménages américains de devenir presque de purs consommateurs tandis qu’ils devenaient de moins en moins producteurs. En 2010, l’industrie des biens de production emploie autant de gens qu’en 1950 !

Labour Market : Employment Situation, US from Timetric

Les taux de chômage

Il est évident que dans ce contexte et la logique de désindustrialisation arrivant à son apogée, le taux de chômage ne peuvent faire qu’augmenter. La nouveauté de la crise de 2007 a été, de ce point de vue, l’explosion du chômage de longue durée (lire ici) et, par ailleurs, l’échec du plan de relance de Barack Obama. Tant que l’Amérique ne reproduira pas, sur son sol, les biens qu’elle consomme, il est à peu près certain que les choses iront de mal en pis. Aucun secteur ne s’est montré capable de remplacer les manufactures et les industries en terme de création massive d’emplois.

Labour Market : Employment Situation, US from Timetric

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Auteur :

Renart Saint Vorles est un coureur des bois numériques nord-américains.

Notes :

[1Même si bien sûr, les tendances avaient commencé avant

[2Toutes ces données sont en volume et en milliers de personnes


Blogueville

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